La crise continue....

Pour Natixis, organe de propagande marxiste léniniste bien connu, la cause de la crise est dans la désindustrialisation des pays de l'OCDE et le glissement de la main d'oeuvre, vers des emplois de services bien moins rémunérés.
"Du point de vue de l'employeur, le salaire d'un ouvrier est un capital : c'est une somme d'argent dont on se défait afin de la récupérer, augmentée d'un bénéfice (au travers de la vente des produits fabriqués par l'ouvrier). Le salaire d'un domestique, en revanche, est une pure dépense, qui n'appelle aucun retour d'argent, et encore moins de bénéfice. "

Ce que Adam Smith, marxiste léniniste bien connu aussi, a conclu par un aphorisme célèbre : "on s'enrichit en employant un ouvrier, on s'appauvrit en employant un domestique ".

Le sens de la la fête

Le but de la fête est de nous faire oublier que nous sommes solitaires, misérables et promis à la mort. Autrement dit, de nous transformer en animaux. C'est pourquoi le primitif a un sens de la fête très développé. Une bonne flambée de plantes hallucinogènes, trois tambourins, et le tour est joué: un rien l'amuse. A l'opposé, l'Occidental moyen n'aboutit à une extase insuffisante qu'à l'issue de raves interminables dont il ressort sourd et droguée: il n'a pas du tout le sens de la fête. Profondément conscient de lui-même, radicalement étranger aux autres, terrorisé par l'idée de la mort, il est bien incapable d'accéder à une quelconque fusion. Cependant, il s'obstine. La perte de sa condition animale l'attriste, il en conçoit honte et dépit; il aimerait être un fêtard, ou du moins passer pour tel. Il est dans une sale situation.


Michel Houllebecq - La fête

De la défaite...

“Il vaut mieux qu’un peuple périsse dans un combat honorable, car après un tel effondrement viendra la renaissance. Mais malheur au peuple qui se soumet de bon gré à la honte de l’esclavage et du déshonneur! Un tel peuple est perdu.”

Clausewitz


« Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l'histoire de France ; ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims ; ceux qui lisent sans émotion le récit de la Fête de la Fédération. »

Marc Bloch, L'Étrange défaite (1940

Littérature française...

Eric Raoult est un produit de synthèse du laboratoire post-gaulliste. Toujours échappé de son rôle d’accordéoniste dans le band Puissance 4, les inoubliables concepteurs de la ritournelle « viens boire un petit coup à la maison », son rôle est de jouer les sémaphores auprès da la volaille électorale égarée sur les terres frontistes. Député-maire du Raincy où même une guenon attifée d’un foulard UMP serait largement élue, Raoult est l’incarnation umépiste du français supposé de souche, son miroir déformant. Bien en chair, un peu gros, le sourire niais, des yeux vides de labrador en folie, des costards passe-partout, une épaisse malice de ruffian qu’on subodore, la main leste sur les cuisses des femmes, une joue marquée d’avoir trop reçu de revers et de soufflets, une mentalité de Sgnanarelle modeste et bas du front, pour résumer un Pierre Mondy sans le talent. Qu’il en appelle au devoir de réserve d’un goncourable en se drapant de son écharpe de maire, c’est comme s’il sonnait le clairon, débout les morts, à nous les vieux, pensez aux régionales.

Marie N’Diaye est un autre produit de synthèse, celui de l’intelligentsia franchouillarde-cosmopolite. Elle possède en commun avec Darrieussecq, outre un conflit pour plagiat, une même absence de style, un même minimalisme d’écriture emprunté aux magazines féminins, un même accès juvénil aux prébendes éditoriales, les mêmes encensoirs baptisés critiques. Dans les deux cas, on fantasme la position d’écrivain antifasciste pour masquer qu’on est à la hauteur de rien, ni de l’Histoire, ni de l’écriture, juste de bonnes petites fillettes à cartables, devenues de gentilles femmes d’extérieur qui ont choisi l’écriture romanesque comme d’autres choisissent la banque ou la gestion, avec cette application, ce manque d’humour et de distance, cette ingénuité dans l’arrogance discrète et insupportable qui accompagnent l’émancipation de la femme, son empowerment, comme disent les féministes d’outre-Atlantique.

Oui la France de Monsieur Sarkozy est monstrueuse, mais pas de la manière dont l’entend l’exilée de Berlin, dans son 18 pièces qu’elle a transformé en Jersey permanent avec vue sur la Spree. Quand on a de tels Victor Hugo, on mesure le délire qui s’est emparé de ce pays.

Le 11 novembre Monsieur le Président de l’identité nationale qui s’offusque si fort de 40 pétasses recouvertes de burqa, a prononcé un discours sur le sens de la première guerre mondiale. Monsieur Identité Nationale a dit nous, mais son nous voulait dire à la fois, allemands, européens, puissants, français, sages etc., c’est-à-dire à peu près n’importe qui.
J’ai pensé à Clémenceau qui répondit à un type qui lui demandait ce que les temps futurs retiendraient de Versailles, « en tout cas ils ne diront pas que la Belgique a envahi l’Allemagne ».Le Tigre se trompait.

Avec Sarkozy et ceux qui lui rédigent ses discours, les français n’ont pas défendu leur indépendance, leur autonomie, leur puissance, leur manière de vivre et d’espérer, de pleurer et de mourir, non les français ont déclenché, à parité avec les allemands, la guerre civile européenne et même, les salauds, se sont montrés si peu généreux qu’ils ont précipité les allemands dans les bras des nazis.

Le même, le jour d’après, s’en prenait à ceux qui dénigrent notre histoire.

Ivresse

Plus douce qu’aux enfants la chair des pommes sures,
L’eau verte pénétra ma coque de sapin
Et des taches de vins bleus et des vomissures
Me lava, dispersant gouvernail et grappin.

A. R..

Amérique...

C'était le 8 novembre 1755.

Dans la colonie du Massachusetts, le gouverneur William Shirley se plaint de la difficulté à "nettoyer le pays de la vermine indigène, sauvage et cruelle, impossible à convertir à nos moeurs cultivées et chrétiennes, obstacle à l'industrie humaine". S'inspirant des mesures prises en Angleterre contre les chiens errants, un décret instaure une prime pour tout Indien tué. Le scalp fera office de preuve, excepté pour les nourrissons, dont la main gauche sera réclamée.

Courage, fuyons...

.... et le couple s’engouffra dans le break Audi conduit par un grand noir étrangement chevelu qui interrogea son GPS pour trouver la place de l’Opéra.

- « Vous êtes nouveau dans le coin vous non ? » se permit d’interroger François.

- « Pourquoi dis-tu cela ?! » s’écria presque Isabelle subodorant une remarque à connotation ignoblement xénophobe voir raciste.


François, décidant de replonger dans le silence, se lança alors dans la comptabilité de la soirée : 1 heure 30, au bas mot, de théâtre, plus au minimum la même chose de resto, le tout pour, disons, 20 à 30 minutes de « proximité charnelle », bisous inclus.

C’était maigre. D’autant que s’il picolait consciencieusement au cours du repas - ce qui était quasiment inévitable pour supporter les considérations de sa commensale sur le monde - le fiasco physiologique n’était pas à écarter...

Anerie

« C'est pour tous et pour toutes que nous devons nous sentir forts de notre force, libres de notre liberté, sereins de notre sérénité. »


Ségolène Royal
Fête de la Fraternité à Montpellier (Hérault), le 19 septembre 2009

Aucun intellectuel français...

Aucun intellectuel français n’ose écrire ce qu’il pense des mécanismes de l’opinion. Il dénonce le populisme, la France moisie, les lyncheurs, c’est-à-dire ce qui n’a déjà plus de puissance, ce qui vit à la lisière de l’indignité et de la peur, le peuple dissous du traité de Maastricht et des suivants. On le voit parader sur les plateaux télé qui sont la fabrique la plus aboutie des falsifications les plus évidentes, de la vulgarité effrontée, de la déroute du discernement et de la haine du sacré, on les voit de coupes en coupes téter le biberon des sinécures en éructant un mépris de pleureuse contre ce peuple qui ne les lit plus.

Aucun intellectuel français n’ose écrire sur les réalités militaires qui comme le disait Péguy sont premières en matière de politique. Jamais un mot sur la clochardisation de l’armée, la déroute de la politique suivie depuis Mitterrand et qui transforme ce pays en chien de garde impécunieux de l’Empire américain, l’absence de toute politique africaine claire, la salive du chien crevé au fil de l’eau qui poursuit l’amitié arabe et la neutralité israélienne. On préfère ferrailler sur le conflit israélo-palestinien dont on se bat les couilles, la méchanceté de Poutine et la folie de l’Iran qui entend rejoindre le club des puissances nucléaires, on croirait les gémissements d’une petite Cité grecque du temps de la période hellénistique, même plus Athènes mais la Sparte du roi Agis.

Aucun intellectuel français n’est capable de dire ce qu’est la République, il préfère les incantations, mesurer la taille des voiles et l’ampleur des coiffures en trébuchant sur le mot laïcité, il préfère parler d’alternance plutôt que de s’appesantir sur la corruption généralisée, le réseau d’intérêts croisés et l’omerta qui règne de la magistrature aux entreprises en passant par les Loges, il préfère roter bien au chaud son énième participation à Cdans l’air, à une commission, à un rapport que de dire non possumus.

Aucun intellectuel français n’est capable de dire ce qu’il pense de la religion civique en lambeaux qui avait l’école en son centre et le projet d’émancipation dans la cale. Tout le monde sait que ce projet est mort et enterré, tout le monde sait que les Lumières ont trébuché sur les catastrophes du XXème siècle et celles à venir, tout le monde sait que le Progrès gît quelque part comme une compression de César, mais rien on continue comme avant, on voudrait vraiment pas perdre nos prébendes, on dit sauvons la Recherche, marchons en rond, luttons contre les usages politiques de l’Histoire, Sarkozy et la gendarmerie, dénonçons le correct et le pas correct.

Aucun intellectuel français n’est capable de dire ce qu’il pense de la police, politique ou non, celle qui établit des fichiers et des seuils de dangerosité et celle qui enquête et verbalise, aucun intellectuel français ne dit rien de l’incurie de la police quand flambent 30 mille véhicules par an et lorsque 80 % des vols de voitures ne sont pas élucidés, lorsqu’un département comme la Seine St Denis à force de démagogie communiste, de politique d’Etat aberrante et d’entassement des dernières vagues migratoires n’a plus pour langage commun qu’un Islam réduit aux acquêts pour dire la moralité et le mérite, c’est-à-dire la simple dignité quand on refuse de se penser en déchet.

Aucun intellectuel français n’a rien à dire sur l’usage délirant des classes d’hérétiques qui vont de l’islamiste à l’anarcho-autonome, aux néo-droitiers anti-radars, aux racistes, aux militants pro-life et j’en passe.

Aucun intellectuel français n’a rien à dire sur cette injonction étrange d’aimer son prochain à tout prix et de se mélanger, parce que bien sûr, on n’est pas encore assez bien, assez beau, assez ceci et cela, assez humain et intelligent en gros, on est entre l’animal et ce qui viendra, le chaînon manquant, le synonyme du peuple parmi ces élites de ruminants qui prennent la sortie de secours dès qu’une menace se profile.

A quoi ressemblaient vos fascites.....




- A quoi ressemblaient vos fascistes, Mr Malaparte ?

- Ils étaient de jeunes gens, coiffés de casques d’acier, armés de fusils, de poignards, de grenades, et ils chantaient d’une voix fière en agitant des drapeaux noirs sur lesquels étaient brodées en argent des têtes de mort. Ils n’étaient pas munis de poignards et de grenades pour la défense de la philanthropie mais pour la guerre civile, c’était le rouage essentiel de la machine insurrectionnelle. Le manganello et l’huile de ricin, les camionnettes farcies de types aux chemises retroussés avec des bidons d’essence dans un coin, brinquebalant sur les chemins caillouteux et dans la poussière. Certains avaient connu les tranchées, d’autres sortaient tout juste des jupes noires des prêtres, ils avaient envie de respirer, monsieur le journaliste, ils en avaient assez des crachats, des insultes, des drapeaux rouges et des faucilles et des marteaux, la seule vue d’une redingote les faisait vomir. Ils aimaient le brouillard de Fiume et le vent de Borée, le débarcadère des marins et les fusils en quinconce dans le noir, ils étaient fiers, assez fiers pour mourir en silence et vivre en chantant, c’étaient des hommes, des bourgeois, mais dépouillés des vieux accoutrements, farcis de rêves diurnes, dans une virilité d’opéra, d’un peu loin, vous les auriez trouvés ridicules, de près, vous saviez votre jour de honte sur le point de commencer.

- Ils étaient violents donc…

- Avec des disciples de Tolstoï ou de Rousseau, on ne fait pas de révolution, tout juste une comédie. Leurs visages brûlés par le soleil avaient les traits durs des paysans, leurs barbes taillées en pointe donnaient à ces visages un brouillard picaresque, hardi et menaçant. Leurs yeux sans pitié tout délavés de cruauté, leurs mâchoires en trapèze, leurs mains faîtes pour cogner et cogner dur jusqu’à défoncer crânes et cages thoraciques s’accompagnaient de regards méprisants et insistants pour tout ce qui s’apparentait à une allure d’agent de police, d’employé ou de député libéral. Ce ne sont pas les gens aimables qui font les révolutions. Ce n’est pas par la douceur et la ruse que se mène l’essentiel de la bataille politique mais par la violence. La plus implacable, la plus inexorable, la plus méthodique des violences.

- Politiquement, ils venaient d’où vos chemises noires ?

- Quand ce n’étaient pas des anciens combattants sortis des tranchées la baïonnette au cœur, les chemises noires sortaient par phalanges entières de l’extrême-gauche ou des grappes étudiantes aux élans généreux. Ces gens là avait un chef. Il s’est trouvé qu’il n’était pas végétarien, christian scientist ou social-démocrate. Ces gens là avaient un Dieu, il ressemblait, je dois dire assez à celui de la guerre.

- Comment avez-vous pris le pouvoir ?

- Un des problèmes que le fascisme eut à résoudre fut l’écrasement absolu des syndicats de travailleurs, seule force révolutionnaire capable de défendre les arceaux de l’État bourgeois. Les travailleurs défendaient alors contre les chemises noires leur liberté de classe.

- Le communisme vous voulez dire ?

- Ce qu’était le communisme monsieur, une sorte de bovarysme insurrectionnel. Les représailles étaient un des éléments les plus importants de la tactique des chemises noires. Elles étaient le fait des troupes d’assaut exercées à la technique de l’infiltration, des coups de main, de l’action d’éclat, armés de poignards, grenades et engins incendiaires. Les Bourses du travail, les cercles ouvriers, les maisons des dirigeants prolétariens étaient attaquées, dévastées, incendiées, les familles humiliées. Au final, la peur des représailles ébranla l’esprit combatif des chemises rouges et des syndicalistes. Alors tous fuyaient en désordre et la chasse à l’homme pouvait se dérouler. Ce n’était pas toujours bienséant, parfois cela donnait des aigreurs, on voyait des enfants pleurer accrochés aux haillons de leurs mères dont on venait de déchirer le corsage dans un grand éclat de rires, le soleil écrasant, la fange campagnarde, l’atmosphère itinérante de caserne, une humeur de soudards, l’impunité absolue de la force, toute cette exaltation révolutionnaire tournait en une floraison de bravades et de culbutes dans les champs où les femmes perdues, les gestes affolés, couraient loin de leurs hommes laissés en tas et pantelants, leurs jambes nues dans l’herbe, culottes déchirées et lèvres violacées de douleur répondaient à la gueule amochée pour longtemps de leurs maris défaits et proscrits, la parole antée dans la gorge comme un poignard, la signature des arditis, mais des arditis noirs, ceux des compagnons du diable.

- Ce n’était pas très fair-play

- Décidément, l’anglais est une langue contre-révolutionnaire. On dirait que sa syntaxe même est libérale. Je vais vous dire monsieur le démocrate, pour venir à bout des grèves et des insurrections, il fallait concentrer les forces sur un point, l’occuper et nettoyer la position.

- Et votre gouvernement ?

- Il fermait les yeux, il regardait ailleurs et puis vous savez ce que c’est, pour tout ministère, les nouvelles exactes sont toujours prématurées. De plus, la liberté de la presse n’a jamais empêché les journaux de publier des informations fausses, n’est-ce pas monsieur le journaliste.

QUERELLE DE L'ART ET DE LA MORALE

 
Au printemps 1964, une violente polémique éclata entre les écrivains Roger Peyrefitte et François Mauriac, puis s'étendit à leurs admirateurs respectifs.  Une des causes, relativement lointaine, en était un article de Mauriac paru en octobre 1963, lors de la mort de Jean Cocteau.  Après un sursaut prémonitoire, "Ah! l'envie me prend tout à coup d'être sec, net, de ne rien écrire qui ne soit vrais dussé-je choquer.",  Mauriac y avouait que Cocteau l'avait agacé, et s’étonnait " qu’il ait pu faire quelque chose d'aussi naturel, d’aussi simple que de mourir, d'aussi peu concerté";  il ajoutait: "le personnage tragique, certes il le fut: condamné à l'adolescence éternelle, sans échappatoire comme tant d'autres, sans aucune espérance de sursis, interdit de séjour malgré les honneurs et les académies, chassé de cet univers rassurant où une femme nous met la main sur le front du même geste qu'avait notre mère, où les enfants jusqu'à la fin se presseront autour de nous, couvée que la vie ne disperse pas.' (Figaro Littéraire, 26/10/1963)

Toute la dispute va démarrer avec le tournage du film Les Amitiés particulières d'après le roman homonyme publié en 1944.


Dans le Figaro Littéraire du 23 avril, F.M. se plaignait d'avoir vu à la télévision quelque chose d'horrible : un reportage sur le tournage de ce film dans l'abbaye de Royaumont (Val d'Oise) :

"Je ne croyais pas qu'un spectacle pût me donner cette tristesse, ce dégoût, presque ce désespoir.  Comment, me demandais-je, des parents consentent-ils, comment un metteur en scène s'abaisse-t-il? ... Mais je n'aurais jamais cru possible ce qui a suivi: l'auteur lui-même a paru sur le petit écran, non pour plaider coupable, mais au contraire pour nous avertir de ses intentions édifiantes.  Il ne songe, ce bon apôtre, qu'à venir en aide aux éducateurs, aux Jésuites d'abord j'imagine, si le même personnage immonde est passé du livre dans le film.  L'auteur des Amitiés particulières nous a même confié qu'il espérait que ce film aiderait les écoliers à mieux régler leurs sentiments.  Honnête Tartuffe de Molière, inoffensif  Tartuffe dont l'imposture énorme ne pouvait tromper que .l'imbécile Orgon et que l'idiote Pernelle, et qui ne touchait pas à ces petits, comme vous me paraissez innocent..."

Mauriac ajoutait / "L'interprétation exige que des garçons de douze ans soient délibérément plongés, pour votre profit, dans ce bouillon de culture d'où leur âme ne sortira pas vivante. (..) J'accorde que les rapports de l'art et de la morale ne sont pas faciles à régler dans une entreprise qui s'adresse à des millions de spectateurs de toute condition, de toute religion et de tout Age.  Mais l'enfance devrait nous réconcilier.  Il n'y a même pas à ouvrir le débat.  Ces petits garçons que vous nous montrez sur l'écran et qui servent la messe, et qui communient, à quelle histoire osez-vous les mêler?  Et pourquoi la faites-vous bénéficier de cette publicité immense?  Car ce sont des intérêts que vous servez : ces enfants rapportent."

Le metteur en scène Jean Delannoy (1908/) publia dans le Figaro Littéraire du 7 mai la réponse qu'il faisait à Mauriac.  On y lit notamment :

"Je m'étonne qu'un homme de votre qualité puisse juger d'un film sur un reportage de télévision (..) Je puis vous assurer que Les Amitiés particulières ne sera ni un film scandaleux ni un film irréligieux (..) Je me permets de vous citer les conclusions de la commission de censure, après lecture du découpages. La commission de contrôle des films cinématographiques rend hommage aux auteurs qui ont su traiter, avec autant de délicatesse que de tact, un sujet qui paraissait hérissé d’embûches.  Elle ne saurait, en conséquence, retenir l'éventualité d'interdiction aux mineurs, si celui-ci, une fois réalisé, exprimait exactement l'esprit du découpage du film."

La réaction de Roger Peyrefitte fut infiniment plus cinglante.


L'hebdomadaire Arts avait été ranimé en 1959 par André Parinaud (auteur d'une étude sur Colette).  C'est dans le numéro 961 du 6 mai que R.P. publia sa désormais célèbre « Lettre ouverte à M. François Mauriac, prix Nobel, membre de l'Académie Française ». Après une brève entrée en matière Roger Peyrefitte interrogeait l’illustre écrivain :

« Qui êtes-vous, mon cher maître?  Un écrivain que nous admirons, mais un homme que nous ne pouvons plus supporter (..) moralisateur, beaucoup moins pour défendre la morale que pour vous punir, aux dépens d'autrui, de votre penchant irrésistible à l'immoralité. »

Après le reproche relatif à l'attitude vis à vis de Cocteau, le fond du débat :

"Ce poète, ce prince fut le contraire d'un hypocrite, et c'est pour cela que vous le haïssiez même si vous ne l'avez point haï dans votre jeunesse.  Où sont-elles, ces lettres d'amour que vous lui aviez écrites et que vendit Maurice Sachs après les lui avoir volées [..] L'homme à qui vous aviez écrit ces lettres, vous avez eu l’ignominie de le renier, de le vilipender à toute occasion, comme pour abolir et absoudre votre passé - et si ce n'était que le passé! ... Vous avez piétiné son cadavre, chaud encore, dans ce journal où vous vous insultez. [..] Jamais empoisonneur public ne sut mieux son métier.  Non content d'interdire aux autres de toucher à ces sujets vous leur interdisez encore de prononcer les mots de religion et de morale. [..] J'ai parlé de ces lettres adressées à Cocteau et conservées dans des mains jalouses.  Mais on pourrait publier en fac simile celle assez récente, que vous écriviez à l'un de vos plus compromettants collaborateurs, après l'une de vos maladies: " Les battements de votre jeune coeur m'aident à retrouver le goût de cette vie que j'avais cru perdue.  Un jour vous comprendrez que je ne suis qu'un très pauvre homme." Nous ne vous le faisons pas dire, mon cher maître.  C'est le pauvre homme de Tartuffe au superlatif. [..] Vous ameutez contre nous l'escadron des bien-pensants et vous nous menacez de l'enfer!  Y croyez-vous, à l'enfer, mon cher maître, après ce télégramme facétieux (1) qu'André Gide vous expédia de l'au-delà : "L'enfer n'existe pas, tu peux te dissiper" ?

  Roger Peyrefitte citait fort à propos le chevalier de Florian (1755/1794):

La pire espèce des méchants
Est celle des vieux hypocrites.

avant de conclure :

"Je vous citerai le mot d'un fils, un mot que me répéta ce même Cocteau dont vous avez outragé la mémoires 'Je sens que mon père m'a fait sans plaisir.' C'est probablement le mot le plus affreux qu'un fils ait jamais dit sur son père."


Les réactions des gens de lettres furent nombreuses, vives et contradictoires. Michel Droit, rédacteur en chef du Figaro Littéraire, à Roger Peyrefitte: "Vous êtes méprisable au delà de toute expression."
Jacques Chabannes, président de la Société des Sens de Lettres (SGL), à Roger Peyrefitte.- "Vous avez eu le courage de mettre fin à la plus monumentale escroquerie intellectuelle et morale du siècle."
A la suite de la déclaration de Chabannes, 14 membres (sur 24) du comité de la SGL ont démissionné par désaccord avec leur président, provoquant ainsi la convocation d'une assemblée générale; parmi les démissionnaires, on releva les noms de Robert Sabatier, du duc de Lévis Mirepoix et du duc de Castries.

Yvon Le Vaillant, dans Témoignage Chrétien du 14 mai :

"D'un côté les mains jointes (2), de l'autre les mains baladeuses.  D'un côté le bréviaire, de l'autre la braguette.
Bref : d’un côté François Mauriac et de l'autre Roger Peyrefitte.  Et dès lors que ce vertueux est agressé par ce vicelard, on doit voler d'instinct aux côtés du vertueux, a fortiori, puisque l'on est chrétien.  Ah c'est trop facile!
Quitte à passer pour traître à la charité chrétienne (..) je me refuse vraiment à verser dans cette simplification confortable et rassurante qui (..) donne à l'un le privilège exclusif de la vertu, à l'autre celui du vice.  Peut-être n'ai-je pas l’âge encore de m’accomoder de ce confort intellectuel."

A la suite de cet article, J.M. Domenach, directeur de la revue Esprit, et plusieurs personnalités, dont le futur cardinal Daniélou (décédé en 1974 au domicile d'une prostituée ... ), le futur évêque Pézeril et l'écrivain Pierre Emmanuel, ont adressé à Témoignage Chrétien une pétition déplorant que Yvon Le Vaillant 'renvoie dos à dos Mauriac et son insulteur". Pierre-Henri Simon, du Monde, se joignit à la cacophonie des cris indignés ; "poubelle d'injures", "un procédé qui n'est pas à la hauteur de nos lettres" (Le Monde, 12 mai).


Le journaliste Jean Coquelle, dans Arts, n° 964, 25 mai :

"Je ne sais plus très bien qui avait qualifié M. Mauriac de 'vieille corneille élégiaque', formule nouvelle et plus élégante que 'vieille punaise de sacristie'.  Ce que M. Peyrefitte met au grand jour courait de bouche à oreille depuis très longtemps.  Et voilà le moralisateur étriqué, le fourbisseur de glaives vengeurs qui reçoit largement la monnaie de sa pièce. (..) Que votre journal soit remercié d’avoir ouvert ses colonnes à cet assainissement nécessaire de la pensée.'

Roger Peyrefitte expliqua, dans le même numéro d'Arts, pourquoi il avait réagi si violemment:

'Il y a une accusation que je ne pouvais admettre de personne, et encore moins de lui, c'est l'accusation de 'tartuferie'."

"Il n'y a même pas à ouvrir le débat", affirmait François Mauriac en conclusion de sa malheureuse critique de télévision.  Attitude totalitaire et obscurantiste de quelqu'un qui se voulait à la fois juge et procureur pour un procès à huis-clos.


Quelques auteurs se sont souvenus de cet épisode :

Bertrand Poirot-Delpech (devenu depuis Académicien), dans Le Monde, 8 juillet 1977 : "Dénoncer les hypocrisies relève, pour les minorités sexuelles, de la légitime défense.  Du moins est-ce de bonne guerre, après ce qu'elles ont subi et qu'elles subissent encore."

Daniel Guérin, dans Masques, n° 24, hiver 1985 :

"En avril 1964, dans sa chronique de télévision du Figaro Littéraire, Mauriac commet le faux pas de s'offusquer du passage sur le petit écran de l’ extrait d'un film de Jean Delannoy adaptant Les Amitiés particulières de Roger Peyrefitte.  L'académicien interpelle l'auteur de l'audacieux roman, apparu en personne sur le petit écran, pour avoir "délibérément plongé des garçons de 12 ans dans ce bouillon de culture d'où leur âme ne sortira pas vivante ... Les petits garçons que vous montrez sur l'écran, à quelle histoire osez-vous les mêler? Il plaint 'ces petits poucets livrés à I’ ogre".  Il' exhale "cette tristesse, ce dégoût, presque ce désespoir que lui a procuré un tel spectacle.'
Mal lui en a pris car l'impitoyable Peyrefitte (..) administre au moralisateur une volée de bois vert.  Il fait allusion, entre autres, à tel épisode de sa jeunesse où l’ ogre avait nom François Le Brix (3).  Trois jours après ce mauvais coup, la victime pantelante, saignante, s'affligeait d'avoir reçu le coup de couteau d'un assassin des lettres".  Certes, son "bourreau" y avait été fort.  Mais l'écrivain s'y était imprudemment exposé".

Françoise Verny éditeur, dans Le plus beau métier du monde, 1990: " article ignominieux sur l'homosexualité supposée de François Mauriac", "dénonciateur de la pire espèce". (Dans le même livre, "La Verny" nous apprend que Marc Soriano, Francis Mayor et Charles Orengo ont pratiqué l'homosexualité, que Jean Daniel, Claude Estier et Léo Hamon s'appellent en réalité Jean Bensaid, Claude Ezrati et Léo Goldenberg.  Souvent femme varie sur le sujet de la discrétion, comme récemment Françoise Giroud à propos de la photo de la jeune Mazarine Pingeot, fille d'une très haute - sinon grande - personnalité ...

Dr Louis Bertagna, psychiatre, dans Lire, mars 1991 : "François Mauriac, qui fut lui-même un critique très sévère, a été terriblement blessé par certaines critiques et notamment par celles, particulièrement assassines, de Roger Peyrefitte dans Arts."

Daniel Garcia, dans Jean-Louis BORY, chapitre  XI,  Flammarion 1991 : "Roger Peyrefitte publia en 1964 un pamphlet contesté mais retentissant contre Mauriac où il disait, en substance, que ce vieil homosexuel n'avait de leçon de morale à donner à personne." (Daniel Garcia a reconstitué l'histoire de l'hebdomadaire Arts)




(1) Le romancier Roger Nimier (1925/1962) était l'auteur de ce télégramme, expédié en février 1951.
(2) François Mauriac avait publié en 1909 un recueil de poèmes précisément intitulé Les Mains jointes.
(3) En 1923 François Le Grix s'était associé à l'intervention de Jacques Maritain auprès de Gide, en vue de le faire renoncer à la publication de Corydon.

Claude Levi-Strauss est mort

Claude Levi-Strauss est mort, on dira de lui dans les nécrologies autorisées, il n’aimait pas les voyages et les explorateurs, on dira qu’il fut anthropologue, ami des indiens, chasseur de mythes, doctrinaire de l’anti-racisme, on dira de lui ce qu’il faut dire quand on est dans la bonne voie, la voie sans issue des tristes topiques.

On oubliera l’ironie mordante de celui qui fut chassé de France un été de 1940 avant de gagner New-York où il découvrit dans la linguistique structurale de Jakobson de quoi renouveler de fond en comble non seulement les méthodes de la recherche ethnologique mais tout simplement l’ontologie substantialiste héritée d’Aristote.

Le structuralisme avec ses déclinaisons françaises, Dumézil, Benveniste, Levi-Strauss, eut pour ambition de délivrer une nouvelle logique de l’identité, une identité différentielle permettant de traiter de la même manière faits de nature et conventions, bien séparés dans la pensée grecque puis dans la philosophie idéaliste allemande tout entière plongée dans le délire substantialiste du sujet qu’il soit connaissant ou engagé dans les aventures de la volonté, sujet vidé de ses particularités ou les pieds dans la glaise du Blut und boden, sujet déplorant, comme Max Weber le silence des prophètes, ou éructant l’advenue du mythe originaire, comme pour Rosenberg.

Le structuralisme fut la dernière épopée intellectuelle de langue française, la tentative de reprendre le flambeau de la science allemande sur les décombres du nazisme. On a pu parler pour Levi-Strauss d’un kantisme sans sujet, d’un kantisme qui n’aurait pas pour catégories les syntaxes singulières d’une langue et pour Idées régulatrices, le monde, Dieu, la causalité, mais un monde pensant de toute éternité humaine, ce monde que le vieil ethnologue voyait mourir avec nostalgie par inflation du nombre et l’emprise démesurée de la technique. Levi-Strauss est mort en compagnon de Heidegger, muet de stupeur devant l’arraisonnement du monde, cette enflure démentielle du cogito déroulant l’univers en compartiments, en espaces de conquête et de destruction dans une sorte de démesure dont le symptôme sont ces villes sans étoiles et ces beautés d’hôpital qui nous chavirent depuis Baudelaire.

Enfin voici ce que disait Levi-Strauss, à propos, des évènements de juin 1967 dans deux lettres à Raymond Aron, « que des français, juifs ou non, aient eu sur les évènements une opinion différente de celle de leur gouvernement, qu’ils l’aient défendu publiquement, rien que de très légitime à cela. Mais qu’ils aient profité de positions de force dans la presse (d’où résultait pour eux une obligation spéciale de mesure et de rigueur intellectuelle) pour répandre des contre-vérités et tenter de modifier ainsi la conjoncture, cela fleurait le complot et je dirais presque la trahison. Comme juif, j’en ai eu honte et aussi, par la suite, de cette impudence étalée au grand jour par des notables juifs osant prétendre parler au nom de tous […] il n’y a pas de vérité historique objective au-delà des manières différentes dont les individus ou groupes perçoivent situations et évènements. Cela est encore plus vrai pour moi dans le cas qui nous occupe, car ma perception de la conjoncture israélienne reste subordonnée à une autre à laquelle je suis encore plus sensibilisé : celle qui se produisit il y a quelques siècles de l’autre côté du monde, quand d’autres persécutés et opprimés vinrent s’établir dans des terres inoccupées depuis des millénaires par des peuples plus faibles encore, et qu’ils s’empressèrent d’évincer. Je ne puis évidemment pas ressentir comme une blessure fraîche à mon flanc la destruction des Peaux-Rouges, et réagir à l’inverse quand des Arabes palestiniens sont en cause, même si les brefs contacts que j’ai eus avec le monde arabe m’ont inspiré une indéracinable antipathie […] à quoi s’ajoute comme juif, le sentiment que tous ceux de même origine qui détiennent les leviers de commande là où l’on forme l’opinion se devaient et nous devaient d’être plus encore que de coutume attentifs au respect des faits. »

La lettre fut rendue publique lors de la parution des mémoires de Raymond Aron, elle ne suscita aucune réaction, aucun commentaire, on se contenta d’accompagner Claude Levi-Strauss dans la gloire muette, le structuralisme était passé, c’était le temps des Sponville, Ferry, Glucksmann, Finkielkraut, Lévy, Minc, Onfray, la petite racaille infatuée qui règne depuis lors.