Aucun intellectuel français...

Aucun intellectuel français n’ose écrire ce qu’il pense des mécanismes de l’opinion. Il dénonce le populisme, la France moisie, les lyncheurs, c’est-à-dire ce qui n’a déjà plus de puissance, ce qui vit à la lisière de l’indignité et de la peur, le peuple dissous du traité de Maastricht et des suivants. On le voit parader sur les plateaux télé qui sont la fabrique la plus aboutie des falsifications les plus évidentes, de la vulgarité effrontée, de la déroute du discernement et de la haine du sacré, on les voit de coupes en coupes téter le biberon des sinécures en éructant un mépris de pleureuse contre ce peuple qui ne les lit plus.

Aucun intellectuel français n’ose écrire sur les réalités militaires qui comme le disait Péguy sont premières en matière de politique. Jamais un mot sur la clochardisation de l’armée, la déroute de la politique suivie depuis Mitterrand et qui transforme ce pays en chien de garde impécunieux de l’Empire américain, l’absence de toute politique africaine claire, la salive du chien crevé au fil de l’eau qui poursuit l’amitié arabe et la neutralité israélienne. On préfère ferrailler sur le conflit israélo-palestinien dont on se bat les couilles, la méchanceté de Poutine et la folie de l’Iran qui entend rejoindre le club des puissances nucléaires, on croirait les gémissements d’une petite Cité grecque du temps de la période hellénistique, même plus Athènes mais la Sparte du roi Agis.

Aucun intellectuel français n’est capable de dire ce qu’est la République, il préfère les incantations, mesurer la taille des voiles et l’ampleur des coiffures en trébuchant sur le mot laïcité, il préfère parler d’alternance plutôt que de s’appesantir sur la corruption généralisée, le réseau d’intérêts croisés et l’omerta qui règne de la magistrature aux entreprises en passant par les Loges, il préfère roter bien au chaud son énième participation à Cdans l’air, à une commission, à un rapport que de dire non possumus.

Aucun intellectuel français n’est capable de dire ce qu’il pense de la religion civique en lambeaux qui avait l’école en son centre et le projet d’émancipation dans la cale. Tout le monde sait que ce projet est mort et enterré, tout le monde sait que les Lumières ont trébuché sur les catastrophes du XXème siècle et celles à venir, tout le monde sait que le Progrès gît quelque part comme une compression de César, mais rien on continue comme avant, on voudrait vraiment pas perdre nos prébendes, on dit sauvons la Recherche, marchons en rond, luttons contre les usages politiques de l’Histoire, Sarkozy et la gendarmerie, dénonçons le correct et le pas correct.

Aucun intellectuel français n’est capable de dire ce qu’il pense de la police, politique ou non, celle qui établit des fichiers et des seuils de dangerosité et celle qui enquête et verbalise, aucun intellectuel français ne dit rien de l’incurie de la police quand flambent 30 mille véhicules par an et lorsque 80 % des vols de voitures ne sont pas élucidés, lorsqu’un département comme la Seine St Denis à force de démagogie communiste, de politique d’Etat aberrante et d’entassement des dernières vagues migratoires n’a plus pour langage commun qu’un Islam réduit aux acquêts pour dire la moralité et le mérite, c’est-à-dire la simple dignité quand on refuse de se penser en déchet.

Aucun intellectuel français n’a rien à dire sur l’usage délirant des classes d’hérétiques qui vont de l’islamiste à l’anarcho-autonome, aux néo-droitiers anti-radars, aux racistes, aux militants pro-life et j’en passe.

Aucun intellectuel français n’a rien à dire sur cette injonction étrange d’aimer son prochain à tout prix et de se mélanger, parce que bien sûr, on n’est pas encore assez bien, assez beau, assez ceci et cela, assez humain et intelligent en gros, on est entre l’animal et ce qui viendra, le chaînon manquant, le synonyme du peuple parmi ces élites de ruminants qui prennent la sortie de secours dès qu’une menace se profile.